Le financement par la dette est devenu la règle pour les entreprises, les ménages et les Etats.
Le problème est que la plupart de ces emprunts sont improductifs.
Qui que vous soyez, la dette résoudra votre problème.
Vous êtes PDG d'une entreprise et votre boulot consiste à (et votre salaire dépend de) faire monter le prix de l'action ? La solution à votre défi est simple : la dette. Vous n'avez qu'à emprunter de l'argent et acheter les actions de votre propre entreprise. Le prix montera et vous serez un génie – un génie riche qui plus est.
Le New York Post explique que cela n'est pas une théorie fantaisiste. C'est pratique courante à Wall Street:
"C’est le rally de marché 'choc' — depuis 2008, des entreprises américaines disposant de capitaux importants ont consacré près de 4 000 Mds$ de leurs liquidités à racheter leurs propres actions. Cela explique pourquoi tous les indices boursiers atteignent des records.
'C’est une manipulation massive du marché', affirme Richard Bowen, ancien président de Citi qui a dénoncé la banque durant la crise des subprime et qui a fait remarquer que ces rachats d’actions sur les marchés étaient autrefois qualifiés d’illégaux. La Securities and Exchange Commission a assoupli les règles au début des années 1980.
'Ce marché me fout la frousse', ajoute Bowen, pressentant une potentielle catastrophe financière."
Au cours de la dernière décennie, les chiffres montrent que ce sont les entreprises qui sont les plus grandes acheteuses de leurs propres actions. L'année dernière, 66% des bénéfices ont été consacrés aux rachats d'actions.
Mais c'est l'énorme montant de l'endettement qui est réellement inquiétant. Les entreprises empruntent pour acheter leurs propres actions. Les chiffres sont difficiles à démêler mais Yahoo Finance estime que 39% des rachats d'actions aux Etats-Unis étaient financés par la dette en 2016. Le précédent pic dans cette tendance a été enregistré début 2008.
Les rachats d'actions par effet de levier augmentent l'endettement et diminuent les fonds propres. L'effet est double.
Au Royaume-Uni, les rachats d'actions sont certes moindres mais bien présents. L'année dernière, le gouvernement a annoncé qu'il allait ouvrir une enquête sur ces pratiques. Mais il semble qu'au Royaume-Uni, les entreprises sont assises sur d'énormes tas de cash qu'elles ont empruntés :
Les raisons en sont simples. La faiblesse record des taux d'intérêt a encouragé l'emprunt, mais une faible reprise économique n'a pas encouragé l'investissement. Pour faire monter coûte que coûte le cours de leurs actions, les entreprises les ont rachetées. Et les cadres dirigeants de ces entreprises ont bénéficié de bonus impressionnants en remerciement de cette activité économique utile…
Le crédit au secours des consommateurs
Et les consommateurs ? La dette peut également résoudre leurs problèmes. De nos jours, ce n'est pas un problème de ne pas avoir les moyens d'acheter. Il suffit d'emprunter.
Le crédit à la consommation a atteint un pic : il représentait 45% des revenus des ménages britanniques en 2007. Il a ensuite chuté à 35% en 2012, mais il dépassera le pic précédent d'ici 2021 selon l'Office for Budget Responsibility. L'octroi annuel de prêts automobile et la dette étudiante ont doublé en cinq ans.
Le crédit immobilier à amortissement différé pour mieux se loger
Les propriétaires de biens immobiliers représentent la part la plus importante sur le thème "la dette résout tous les problèmes." Votre capacité à posséder votre logement étant limitée par votre capacité d'endettement, le seuil ne cesse d'en être repoussé plus loin avec le temps.
La solution du gouvernement au problème est simple : inciter les gens à emprunter plus d'argent qu'ils ne peuvent se le permettre en les aidant pour leur caution. Ceci, bien sûr, ne fait que transférer la dette vers l'Etat. Et pousse encore plus à la hausse les prix immobiliers, ce qui nécessite de s'endetter encore plus pour acheter un bien.
Autre tendance inquiétante : les prêts hypothécaires à amortissement différé. Les emprunteurs ont tout simplement abandonné l'idée de rembourser leurs hypothèques. De nos jours, un prêt sur cinq est à amortissement différé selon la Financial Conduct Authority.
L'étendue de la dette des ménages au Royaume-Uni est telle qu'un directeur général de la Financial Conduct Authority s'est vu dans l'obligation de déclarer :
"Un business model qui repose sur la vente de produits à des clients qui n'ont pas les moyens de les rembourser n'est pas acceptable."Nous poursuivrons en justice les entreprises qui gèrent leurs affaires de cette manière."
Prêter à des gens qui n'ont pas les moyens de rembourser… quelle est cette sorte de business model ? Euh, en fait, c'était la politique de l'Etat sous le programme "Help to Buy"…
Si l'on additionne la totalité des dettes des ménages britanniques, ces derniers se classent à la seconde place des consommateurs les plus endettés du G8. Les ménages britanniques sont très vulnérables.
Le crédit pour financer des politiques farfelues
Les plus grands emprunteurs sont les Etats. La responsabilité financière sur leur dette est plus faible pour eux. Après tout, le temps durant lequel les responsables politiques sont réellement responsables de la dette est limité. Les probabilités que quelque chose tourne mal durant leurs années au pouvoir sont faibles, et ils peuvent toujours rejeter la responsabilité de l'accumulation de la dette sur leurs prédécesseurs.
Les résultats de ce système sont bien connus. Les gouvernements promettent toutes sortes de politiques farfelues et empruntent pour les financer.
Pour une étrange raison, nous comparons la dette publique au PIB. La dette d'une personne lambda est comparée à ses revenus mais la dette des gouvernements est comparée à celle du PIB de tout le pays. Je trouve cela complètement illogique.
Le niveau moyen d'endettement au Royaume-Uni est d'environ 120 000£. Le ratio dette/PIB moyen pour les ménages endettés est 0,00006%. Un chiffre insignifiant, parce qu'aucun d'entre nous n'exige de créance sur le PIB du pays pour rembourser sa dette.
Le gouvernement non plus. Il n'exige que les recettes fiscales – environ 680 Mds£. Pourquoi alors nous fions-nous au ratio dette/PIB au lieu de nous fier aux recettes fiscales ? Le revenu du gouvernement est une partie du PIB, tout comme votre revenu est une partie du PIB. Environ un tiers, dans le cas du gouvernement.
Avec 680 Mds£ de recettes fiscales, et près de 2 000 Mds£ de dettes, la dette du gouvernement britannique est trois fois celle de ses recettes fiscales. Comparé à un emprunteur, c'est grosso modo comme si vous pouviez emprunter 3 à 5 fois votre revenu.
Cependant, le gouvernement ne dépense qu'environ 8% de ses recettes fiscales pour le service de sa dette. Les Etats fonctionnent sur un type de prêt à amortissement différé refinancé sans fin. Ils remboursent leur ancienne dette avec de la nouvelle.
La dette a-t-elle encore de l'importance ?
Le plus étrange est que nous assimilons emprunt et prospérité économique. Pour les commentateurs, l'emprunt est signe d'optimisme sur le futur.
Dans la réalité, ce n'est en fait qu'une question de survie et de fournir un toit aux gens qui, s'ils le pouvaient, paieraient leurs factures avec leurs salaires et leurs économies.
S'endetter c'est sacrifier un revenu futur en faveur du présent. C'est intrinsèquement mauvais pour le futur. A moins de contracter une dette pour quelque chose de productif.
Mais peut-être suis-je un peu vieux-jeu sur ce sujet. Sommes-nous dans une nouvelle ère, où la dette importe peu ? Ou bien le moment de rendre des comptes approche-t-il ?
Si les gouvernements et les entreprises n'ont plus à rembourser leurs dettes, et qu'ils n'ont plus qu'à la reconduire en remboursant les obligations arrivant à échéance avec de l'argent issu d'obligations nouvellement émises, alors pourquoi les consommateurs ne peuvent-ils pas faire la même chose ? Ils utilisent déjà des prêts à amortissement différé.
On peut aussi légitimement se poser la question de savoir où nous serions sans toute cette dette. Combien de voitures en moins posséderions-nous ? A quoi ressembleraient nos maisons et combien en aurions-nous ? Pourrions-nous acheter des iPhones?
Si le système basé sur la dette implose, il nous restera toujours une grosse partie de ses bénéfices. Les voitures, les maisons, et la technologie créée par la dette seront encore là après sa disparition.
Qu'en est-il des prêteurs ? De toute façon, ils ne sont pratiquement que des constructions comptables, créant de l'argent et de la dette à partir de rien.
Au milieu de cet épanouissement de la dette, on peut également se demander quel rôle jouent les taux d'intérêt et la politique monétaire. Sont-ils utilisés pour gérer l'économie ? Ou bien sont-ils une réaction paniquée face à la quantité de dettes dans l'économie ?
Et si les banquiers centraux avaient perdu le contrôle des emprunteurs ? Et si nous considérions aujourd'hui que le but de la Banque d'Angleterre est de faciliter l'endettement en abaissant les taux d'intérêt lorsque nous allons trop loin/lorsque nous arrivons aux limites ? Et que les organismes de réglementation sont aussi là pour nous sauver avec des lois favorables aux emprunteurs ?
Nous comptons sur les efforts de sauvetage de nos institutions pour nous aider lorsque nous sommes trop endettés. Ce qui nous permet d'emprunter encore plus.
Plus haut, nous avons étudié le côté passif de ce système basé sur la dette. Ce qui est plus effrayant encore, c'est l'influence de la dette dans nos vies du côté actif.
Environ trois fois plus d'obligations que d'actions s'échangent chaque jour. Au niveau mondial, le marché obligataire est environ 50% plus grand que les marchés actions.
Même si c'est indirectement, les gens possèdent ces obligations. Ils dépendent d'elles pour leur retraite. Si les dettes ne peuvent être remboursées, qui paiera nos retraites ?
[NDLR: Jim Rickards – qui avait prévu le Brexit – a des révélations choquantes à faire sur l'Amérique de Donald Trump. En tant qu'investisseur français, un événement vous ouvre une petite fenêtre de tir pour votre retraite. Découvrez-le ici et surtout comment en faire profiter votre portefeuille.]
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